FRENCH CONNECTION ( Janvier 2001 )

1 - Tu as pris très peu de temps entre "109" et "Mauvaise graine". Tu avais manifesté cette envie dès le changement de line-up. Mais, ce ne doit pas être seulement à cause de cela. Est ce un regain d'inspiration (si l'on peux dire!), l'envie d'apporter une nouvelle pierre à l'édifice pour les fans, ... ?

L'inspiration n'a jamais été un problème.
Ce qui était vraiment frustrant (pour ne pas dire autre chose), c'était de devoir freiner cette inspiration pour ne pas se retrouver avec des morceaux dont je savais qu'il me faudrait attendre pour les voir exister sur un album.
C'était déjà arrivé dans le passé et je ne voulais absolument pas que cela se reproduise.
Si ça ne tenait qu'à moi, j'enchaînerai album sur album mais bon, il faut quand même conserver un petit laps de temps entre les albums ne serait ce que pour assurer la promo du " petit dernier ".

2 - L'album sonne encore plus agressif, presque thrash ! Tu sembles plus que jamais en colère ! Quels sont tes motivations sur cet album, d'un point de vue musical mais aussi d'un point de vue des paroles.

Je ne crois pas être plus en colère que d'habitude. J'aime bien l'idée de sérénité développée par Philippe LAGEAT dans sa chronique de l'album dans Hard Rock. Je crois qu'on est beaucoup plus efficace quand on est bien entouré. On n'a pas à user de son énergie dans des discussions sans fin qui n'aboutissent jamais. Déjà sur la direction musicale, on n'a pas eu trop à se prendre la tête puisqu'on est tous plutôt branchés speed et ça, c'est assez nouveau car ce n'était pas toujours le cas auparavant.
De plus, je suis vraiment très satisfait du fait que Thierry, Nicko et Patrick s'impliquent dans la composition des morceaux.
Ça se passe vraiment très facilement et ça aussi c'est plus qu'appréciable.
Pour les paroles, ça va, j'ai pas trop à me forcer. Au contraire, je pense que j'aurai plutôt tendance à me freiner consciemment pour ne pas trop envahir l'aspect musical de nos morceaux. Mais bon, c'est vrai qu'il reste encore des bons coups de patte bien placés.

3 Tu as changé à nouveau de logo. Pourquoi ?

On a voulu simplifier le logo en privilégiant la lisibilité. Disons que ça dépend plutôt du dessin de la pochette.
Il faut que le nom du groupe passe bien avec le dessin. Comme les logos précédents avaient eux mêmes un design assez marqué, je trouve qu'il est plus judicieux de voir au coup par coup selon le dessin élaboré.

4 La pochette est magnifique. Elle rappelle un peu "Fort intérieur". y a t'il une relation ? Est ce le même dessinateur ?

Non. Le dessin de " Mauvaises graines " a été réalisé par Xavier LORENTE. Il avait déjà fait le dessin qui se trouve sur notre premier album " Fils de la haine ". A l'origine ce dessin devait illustrer un 45 tours mais comme on a décidé de sortir directement un 33, on a tenu absolument à le sortir avec ce dessin. Je pense qu'on aurait dû recadrer différemment la pochette de " Fils de la haine " pour privilégier le dessin mais, à l'époque, c'était pas le style de truc qui nous semblait le plus important. C'est dommage car sur les rééditions C.D., elle rend vraiment beaucoup mieux. Sinon, c'est vrai que le dessin de " Mauvaises graines " est vraiment très beau.
Xavier est actuellement en train de préparer le dessin de la version anglaise de " Mauvaises graines " qui va sortir fin février.
Je peux te garantir que celle là aussi, elle va péter du feu de dieu. Je suis vraiment super content de bosser avec Xavier car il est vraiment très doué et pas uniquement pour dessiner des pochettes. Il s'occupe également des paroles de la version anglaise.
Comme je ne me sentais pas capable de mener à bien cette entreprise, il s'est trouvé que je lui en ai parlé et il s'est immédiatement proposé de relever ce challenge. Je peux te dire qu'il assure vraiment bien et que c'est loin d'être une chose aisée.
Une autre facette de la personnalité de Xavier concerne son grand professionnalisme en matière d'arrangements.
Je pense que cela nous sera très utile pour le prochain album qui devrait sortir à la fin de l'année. Je le considère vraiment quasiment comme un membre à part entière du groupe.Ça aussi, c'est un truc qui est plutôt nouveau dans Killers mais putain que c'est appréciable de pouvoir placer sa confiance dans des gens dont tu es sûr de la compétence.

5 "1984", c'est un titre pour ne pas oublier, pour rappeler d'où on et d'où tu viens, pour se rappeler la réalité ou pour se dire qu'on avance, à petit pas, mais qu'on avance quand même ?

Exactement mais également pour s'interroger sur ce que nous trouverons sur notre chemin.
L'avenir n'est pas forcément rose et je pense que c'est bien d'en avoir conscience et de le rappeler à ceux qui croient que les choses sont inéluctables. Elles sont forcément inéluctables mais pas toujours dans le sens où on le pense. Faute de soutien, beaucoup de passions se sont effondrées alors qu'elles auraient pu donner naissance à tant de bonnes choses
C'est assez râlant mais c'est un peu comme la vie, on passe à côté de pleins de trucs pourtant on sait très bien qu'à un moment donné le feu passera au rouge et on aura loupé tant de bons moments. C'est ça le problème avec les dates, c'est que jamais elles ne s'arrêtent par contre ce qui est sûr c'est qu'on est pas programmé sur terre pour les comptabiliser indéfiniment.
Il faut profiter du temps présent et ne pas attendre que les choses disparaissent pour se rendre compte qu'elles nous étaient chères.

6 On retrouve à nouveau un titre en basque. Quelle est sa signification.

Concernant la signification, la traduction se trouve sur le livret. C'est un morceau qui est sorti en 1975. Il a été écrit par Gorka Knörr (qui est actuellement député européen). Notre version est très différente de l'original un peu comme ce fut le cas avec " l'aigle noir " de Barbara. Nous avons surtout gardé les paroles et la mélodie chant en l'adaptant à la sauce Killers. C'est un morceau qui appelle à une réflexion assez poussée car il évoque le sort de tous les jeunes Basques qui sont morts dans des guerres en étant souvent envoyés en première ligne comme le furent également les tireurs Sénégalais par exemple sans que forcément respect soit rendu à leur mémoire.
Il est des périodes où des gens ont su se mobiliser pour combattre pour des idéaux justes et il paraît normal que tous soient honorés pour leur sacrifice. Non pas pour leur appartenance à une patrie quelconque mais pour la valeur de leur engagement personnel.
Ce n'était d'ailleurs pas toujours un engagement volontaire. On oublie trop souvent que la notion de Patrie annihile tant de destins brisés sans jamais avoir forcément la même reconnaissance selon l'origine du combattant. La patrie s'accapare les lauriers d'une victoire qui n'est pas toujours sienne. Ce n'est juste qu'un aspect de la réflexion, il y aurait de quoi alimenter tellement de débats qu'une seule plaque posée dans un village ne peut exprimer le souvenir de toutes ces vies brisées.

7 Comment expliques ce fort attachement des basques à leur racine ?

Les basques ont une langue et un pays qui ne sont pas reconnus par les états français et espagnols qui les régissent.
Le basque a été réprimé, on a essayé de le faire disparaître. A force de luttes, il a bien fallu que les états se rendent compte qu'ils ne pourraient jamais arriver à leurs fins. Actuellement, on en est au stade où ils essaient de marginaliser ceux qui luttent pour une reconnaissance territoriale et institutionnelle plus forte en essayant de les opposer à ceux qui ont choisis de rechercher cette reconnaissance par des moyens politiquement plus conciliants. La seule chose qui est certaine, c'est que tous les basques ont et auront toujours cet attachement à leurs racines et qu'il faudra bien un jour ou l'autre que cela se concrétise par une existence institutionnelle.
Même s'il y a parfois des excès, comme d'ailleurs cela se produit toujours dans de telles luttes, cela ne veut pas dire que les basques sont refermés sur eux-mêmes et refusent toute appartenance communautaire. Au contraire, les basques sont bien plus ouverts sur l'Europe par exemple que bien des états qui restent frileusement accrochés à leurs privilèges nationaux.
Nous avons tout à gagner à mettre en commun nos particularismes pour construire une Europe qui respecterait un peu plus les identités de tous.

8 Mais n'es tu pas un peu gêné quand on fait l'amalgame entre les basques et l'E.T.A. et les autres groupuscules terroristes?

Le président français actuel est issu d'un parti qui représente 15% des votes exprimés lors des élections françaises. Personne n'oserait qualifier ce parti de groupuscule. Or le parti le plus proche des idées exprimées par E.T.A. fait constamment entre 12 et 15% lors des élections. Donc cela ne peut être ignoré et il faudra bien un jour ou l'autre que tout le monde se mette autour d'une table pour discuter et trouver une solution politique à cette situation. Cela est d'ailleurs en train de se produire en Irlande. Jamais cela ne pourra être réglé par la voie de la répression ni d'ailleurs par celle de la victoire d'un camp sur un autre. Encore moins par le calcul fait par certains de semer la zizanie au sein d'une société basque qui est électoralement majoritaire sur les aspirations nationalistes.
Je ne suis pas gêné parce que : que je le sois ou pas, ça ne changera rien au fait que les aspirations sont légitimes.

9 Je crois qu'avec "Mauvaise graine", tu viens de battre un record ! Jamais tu n'étais resté aussi longtemps sur un même label. Alors expliques nous en quoi Brennus et Alain Ricard font mieux les choses.

J'ai une excellente relation de confiance avec Alain RICARD. J'en veux pour preuve que nous n'avons pas besoin de signer un contrat pour travailler ensemble. C'est pour moi très important, le contrat est moral. Je marche énormément à la confiance.
Si l'on doit se dire des trucs, on le fait directement et chacun fait part à l'autre de ses réflexions. Alain fait énormément pour que le hard français puisse s'exprimer. C'est quelque chose que j'apprécie au plus haut point même si je pense parfois qu'il devrait un peu plus nous promotionner…

10 Si l'on regarde bien, on a l'impression qu'il y a un net regain d'intérêt envers Killers. On entend de plus en plus parler du groupe (notamment sur les mailing list), les médias semblent ouvrir leurs portes à nouveau. Comment l'expliques tu : ta sincérité, la roue qui tourne et qui pousse à nouveau de votre côté, la loyauté de tes fans, l'effet Wacken qui se prolonge, le regain du Heavy metal en France , ... ?

C'est un peu tout ça à la fois. Je crois que c'est également dû au fait que nous sommes enfin arrivés à réduire le délai entre deux albums.
Cela permet de rester dans une actualité plus constante. De toute façon, pour ma part, je compte bien enfoncer le clou et être toujours plus présent. Je crois que l'on sent de plus en plus que nous en voulons et je peux te garantir que cela ira en s'amplifiant.

11 D'un point de vue plus technique, combien de temps te prend la réalisation d'un album comme "Mauvaise Graine" ?

Comme nous avons notre propre studio, il m'est un peu difficile de répondre à ta question précisément parce que nous avons le matériel à disposition et nous l'utilisons depuis la composition des morceaux jusqu'au mastering final. Cela fait que l'on peut presque dire que toute la période entre deux albums est consacrée à l'élaboration et à l'enregistrement de nouveaux morceaux. En plus, pour " Mauvaises graines ", on s'est retrouvé avec 28 morceaux composés et nous avons décidé d'en enregistrer la moitié. Tu en déduis donc qu'on a déjà pas mal de morceaux de composés pour le prochain album.

12 Utilises tu les techniques dites modernes pour la batterie, à savoir, batterie samplé ou triggé? On a l'impression que c'est le cas sur cet album, tant le son est hyper carré .

Oui, tout simplement parce que c'est beaucoup plus pratique à enregistrer.

13 On parle de Killers pour un festival à Compiègne, qui fait beaucoup parler de lui. Tu peux en dire plus ?

C'est un festival qui va se dérouler les 21 et 22 juillet prochain à Compiègne (à 50 bornes au nord de Paris).
Nous jouerons le samedi. Les groupes français sont déjà déterminés. Pour l'affiche internationale, elle devrait être précisée pour le mois de février. D'après ce que j'ai entendu, il y aura du beau monde. Il faut absolument que la France soit capable de faire exister un tel festival. Pour cela, c'est tout simple, il faut qu'il y ait du public. Alors, j'espère que tous les hardos hexagonaux sauront se motiver pour s'y rendre.

14 On sent que la scène française ne demande qu'une chose : décoller. On a de très bons groupes qui arrivent. Comment vis tu cela ? Quels groupes as tu remarquer et que faudrait il pour que ça décolle encore une fois ?

Si j'avais le moyen de contrôler ce type de chose, on aurait déjà fait trois fois le tour de la galaxie…
Je crois qu'il faudrait surtout que les groupes ne se posent pas ce type de question parce qu'on est pas dans un pays qui permet ce genre de prospection.

15 Que peux on souhaiter pour Killers, pour cet album et pour le futur ?

La gloire, la richesse, la réussite et qu'au bout de trois vœux, on ne me change pas en crapaud (tu comprendras mieux avec la version anglaise…).

16 Je sais qu'on peut toujours attendre pour le mot de la fin (clin d'œil à notre précédente interview), mais si tu as un message à faire passer, c'est le moment ou jamais :

Rendez vous fin février pour la version anglaise et merci à toi pour ta passion, ton soutien et ton amitié.

Interview Laurent BOCQUET ( Janvier 2001)