INTERVIEW LES FILS DU METAL ( Décembre 2004 )

Salut Bruno. Killers a fêté ses 20 ans d'existence il y a peu. Peux-tu nous faire un bilan de ces 20 années ?

Plein de bons moments de musique, de fête, de prises de têtes, de sentiments forts, de frustrations, de joies intenses, d émotions partagées (je l’espère), de déceptions (parfois mais vraiment très rarement), jamais de doutes (puisque pas d’illusions fondamentalement irréalisables), plein de souvenirs et de moments de plaisir avec chaque personne (sans exception) qui a côtoyé KILLERS.
Bref, la vie qui suit son cours comme celle de pas mal de nos contemporains …

Killers est le seul groupe français avec cette longue longévité, avez- vous un secret ? Qu'est-ce qui vous fait tenir là où tant d'autres ont lâché ?

Chaque jour, chaque semaine, chaque mois qui se présente me révèle des surprises et des envies nouvelles donc au niveau de la motivation, c’est une chose plutôt facile à ressentir.
Mine de rien, on est ensemble avec la formation actuelle depuis plus de six ans et ça aide forcément à envisager les choses avec sérénité et envie.
Sinon pour ce qui concerne globalement le passé, c’est d’abord dû au fait que l’histoire du groupe est liée à ma personne et comme je ne suis pas du style à avancer sur coup de tête, ça aide.
Par contre, je n’aurai pas pu faire grand-chose tout seul donc ça reste une aventure partagée mais il est clair que la manière dont j’ai mené la barque a sûrement contribué à ce que les choses soient.
On m’a souvent charrié en faisant passer cette façon d’être pour du manque d’ambition mais ça me fait bien marrer car tous ceux qui l’ont fait ont disparu du circuit depuis belle lurette.
Idem en terme de production et de son, chacun fait ce qu’il veut mais on n’a jamais privilégié cet aspect des choses en pensant qu’il fallait garder les pieds sur terre sans délirer outre mesure car, avant tout, ce sont les morceaux en eux-mêmes qui priment.
Bien sûr que l’on préfèrerait bénéficier d’un son plus « gros » mais si pour cela il faut mettre vingt ou trente SMIC sur la table alors que l’on n’en touche même pas quatre en bossant tous à côté et que cela ne nous ramènerait quasiment rien de plus : il faut qu’on m’explique comment faire.
Petite précision concernant les même pas quatre SMIC, ils existent juste car on a tous un boulot extra-musical.
C’est ça la réalité hexagonale depuis toujours et ce n’est pas près de changer (sauf dans l’esprit de ceux qui croiront à nouveau avoir tout compris et qui seront les nouveaux futurs déçus qui foutront une ambiance de merde dans la « baraque » avant de mettre les voiles pour aller polluer d’autres horizons).
Heureusement qu’il reste plein de passionnés fidèles qui savent faire tri.
J’ai même eu des échos concernant des gens (pas forcément ignorants de la réalité des choses dans l’hexagone puisque membres actifs d’un certain underground) qui parlaient de « limousines » à mon sujet.
Je trouve souvent très dommage que des gens s’avancent à dire n’importe quoi.
En fait, je m’en branle car nous sommes vraiment très à l’aise sur ce terrain et, tant qu’ils ne comprendront pas qu’ils ne pourront jamais nous atteindre sur ce plan, on est plutôt contents car ils perdent leur temps et cela ne fera que précipiter leur départ.
Pour revenir aux chroniques et aux appréciations diverses, il arrive parfois que les critères purement techniques et sonores soient mis en exergue pour émettre certaines réserves.
C’est tout à fait normal si l’on considère que l’on se doit de communiquer des éléments concrets à un éventuel auditeur potentiel mais il faut comparer ce qui est comparable et remarquer ce qui est remarquable, à savoir ce qu’arrivent à faire pleins de groupes avec peu de moyens au regard de certains qui bénéficient de moyens autrement plus conséquents.
Mais bon … c’est un truc à assimiler et à vite oublier : un chroniqueur se doit de passer ses infos en se basant uniquement sur le rendu sous peine de se retrouver dans sa boite les habituels boulets qui n’auront de cesse que de lui rappeler qu’ils auront perdu 10 euros (pour ce qui nous concerne).
Je me demande si parfois pour les éviter il ne faudrait pas qu’on applique le principe « satisfait ou remboursé » ;o)
Enfin bref, c’est une histoire compliquée et l’essentiel est que l’on soit toujours là ;o)

Le DVD « 1999 / 2004 » est sorti pour l'occasion, mais il ne retrace pas toute la carrière du groupe. As-tu prévu un DVD sur les 20 ans de Killers ?

Il n’y aura pas de DVD sur la célébration des 20 ans de Killers d’une part car Olivier NELLI avait d’autres engagements pour cette période et d’autre part parce que je pense que « 1999 / 2004 » est déjà assez révélateur de l’esprit actuel.
Certes l’aspect festif et anniversaire aurait contribué à ajouter du piquant mais on va sûrement réserver ça aux 25 ans du groupe qui, mine de rien, se profilent dans quatre ans et demi.
Sinon, il est évident que le DVD a été daté sur une période précise car toutes les autres périodes de KILLERS feront l’objet du même traitement sur différents DVD.
Le prochain couvrira les tout débuts (1984 / 1986).
J'ai donc eu l'occase de discuter pas mal avec Patrice (Le Calvez) à Bidache et je lui ai proposé un truc le lundi suivant : Vous ne devez pas le savoir mais deux de ses mômes sont atteint de myopathie.(il a deux fils et une fille, les deux garçons sont concernés).On en avait pas mal discuté il y a quelques temps et depuis les choses se sont malheureusement pas mal accélérées dans le mauvais sens.
Je lui ai proposé de réunir les docs vidéos que je possédais pour réaliser un DVD sur la période 1984/1986.
Compte tenu que les documents existants ne nécessiteront pas un très gros travail de montage, en conservant un prix de vente de 16 euros (hors frais de port), on devrait pouvoir arriver à ressortir au minimum 8 euros de bénéfice (en gardant 8 euros pour les autres frais).Le bénéfice net correspondant serait versé au téléthon ou directement à une association de son choix.Voilà ...
Pour la période qui concerne Patrick Soria (1991 / 1994 et 1995 / 1998), je pense que le plan sera malheureusement également d'actualité car sa fille souffre de mucovicidose.Je lui en ai également parlé et il est bien sûr ok car, comme Patrice, il se bouge énormément pour faire avancer les choses.Ça se fera de toute façon plus tard car dans un premier temps, je souhaiterai commencer à voir 1984/1986 avec Patrice.(il a contacté les autres = Michel et Didier et ils sont ok, pour Pierre, il n'a pas encore réussi à le joindre).
On doit se voir avec Patrice vers la mi-décembre pour commencer à mettre ça en place.

Malgré le fait que ce DVD ne soit pas fait par des professionnels, Olivier Nelli, le réalisateur a fait du très bon boulot. Pensais-tu avoir ce résultat au début ?

Je savais très bien dès le début que le travail d’Olivier arriverait à être excellent.
Il connaît très bien le groupe et a réussi à capter totalement notre esprit.
Il faut bien se représenter qu’il a commencé à nous filmer en 2001 en connaissant donc bien Nicko pour l’avoir pas mal côtoyé avant, pendant et après les concerts.Il a donc ensuite vécu et subi à sa façon notre douleur.
Rajouté à cela, il a visionné des heures et des heures de choses plus ou moins intéressantes sur notre périple « Wackenien » donc quelque part, il s’est retrouvé au cœur de nos différentes histoires en les observant avec un œil sélectif visant à en tirer la substantifique moelle (si tant est qu’il y en ait une ;o).
Le « plus » inestimable est qu’il l’a fait avec le talent qui est le sien en rajoutant plein de clins d’oeils, de trouvailles et d’observations bien senties. Compte tenu des images qu’il avait en sa possession, il a réalisé un coup de maître.
Olivier a des projets précis concernant ses propres réalisations mais j’espère qu’il continuera quand même à bosser avec des groupes de Metal car il est LE gars qui a tout compris et, compte tenu de son jeune âge, il est certain qu’il va tout exploser.

Dans le documentaire sur Wacken on y entend 2 titres inédits, peux-tu nous en dire plus sur ces titres ?

Il s’agit de « Histoire d’un homme » et « Témoin » qui ont été enregistrés en 2000 dans le but d’apparaître sur « Mauvaises graines » mais finalement pour des questions de cohésion et de cohérence, on a décidé de les laisser de côté.
Par contre, comme on a toujours aimé ces morceaux, on a décidé de les confier à Olivier pour qu’il puisse éventuellement les utiliser et les illustrer et, compte tenu du résultat, on ne le regrette pas car il les a transcendés.

"Habemus metal" votre dernier album studio date de 2002, "Le côté live !" lui est de 2003, cette année il y a le dvd, je suppose que l'année prochaine il y aura un nouvel album studio ?

Tu supposes bien : ce sera le cas ;o)

Peux-tu m'expliquer pourquoi vous avez repressé des albums plus disponibles avec une nouvelle pochette ?

Actuellement, cela concerne « Fils de la haine » et ça tombe bien car Xavier m’avait toujours donné l’impression d’avoir des regrets à ce sujet donc je suis heureux qu’il ait pu « actualiser » les choses à son gré, cette fois-ci.
C’est tout simplement parce qu’on arrivait en bout de stock et qu’il nous fallait faire des retirages.
J’ai décidé de profiter de l’occasion pour agrémenter les nouveaux exemplaires d’un tout nouveau livret associé à une jaquette arrière inédite et une quadri de la pochette directement placée sue le support CD.
Le tout réalisé comme d’habitude par Xavier LORENTE DARRACQ avec le talent qu’on lui connaît.
Par contre, au niveau du son, c’est exactement le même album.

J'ai vu que côté concert, Bidache était bien servi, peux-tu nous parler de ce concept que vous avez développé ?

On a fait un premier constat qui nous a amené à remarquer que, mises à part quelques organisations extrêmement ponctuelles et rares, notre secteur commençait à devenir un désert sur le plan des concerts metal.
On a donc commencé à organiser des dates ponctuelles mais on s’est vite rendu compte que l’essentiel de la fréquentation effective de ces concerts (hors audience Killers) était constitué des habituels metalleux qui se bougent le cul parce que ce sont avant tout des passionnés qui savent, qu’en dehors de la notoriété et de l’aura médiatique d’un groupe, il y a de belles découvertes à faire.
On a donc décidé de recadrer les choses en optant pour une périodicité mensuelle afin de voir si une fidélisation peut être un critère influent en terme de fréquentation.
Dans le même temps, on a mis en place un système basé sur un défraiement répondant à des conditions précises qui certes sont ce qu’elles sont mais qui proposent aux groupes une technique et une logistique, à notre avis, appréciable.
Lors de ce premier cycle de neuf mois, nous aurons pu proposer, sur dix dates, à une trentaine de groupes hexagonaux de partager notre scène en y associant une dizaine de groupes locaux.
Cela est déjà, en soi, une réussite et si, dans chaque département hexagonal, on pouvait arriver à faire en sorte que cela existe sous une forme plus ou moins similaire, bien des choses seraient différentes.
Lorsque je dis cela, il est bien évident que je ne parle pas des secteurs dans lesquels beaucoup de mecs méritants se bougent déjà le cul. Je parle d’autres secteurs, malheureusement très nombreux dans l’hexagone, qui restent morts alors qu’un public potentiel existe.
Je sais bien sûr que ce n’est pas évident car les structures hexagonales ne sont pas forcément très présentes mais je reste persuadé qu’à différents niveaux il y a des choses à faire.
Il faut commencer petit et raisonnable en essayant de se baser sur une fréquentation minimale pour perdurer.
Plein de groupes hexagonaux talentueux ont besoin que des circuits se développent.
J’espère que cela bougera un peu plus car ils le méritent vraiment.
De notre côté, nous fonctionnons sur un système de co-organisation avec le patron d’un hôtel restaurant qui s’occupe donc de l’hébergement des groupes non locaux (+ petits déjeuners et déjeuners avant de reprendre la route), des repas de tous les musiciens et techniciens pour le soir du concert, de la fourniture de tickets boisson pour les participants, de la location de la salle et des assurances inhérentes à celle-ci et de la prise en charge de la moitié de la location du matériel de sonorisation et d’éclairage. Il peut alors s’occuper de la buvette du concert et en encaisser les bénéfices pour financer ses frais.
Nous pouvons compter sur les entrées pour défrayer les groupes, payer la moitié restante de la location du matériel de sonorisation et d’éclairages, financer la promotion du concert, défrayer les gens qui s’occupent de placer le plus grand nombre d’affiches et de tracts, régler la Sacem et le personnel qui s’occupe des entrées et financer un apéro conséquent ;o) que nous offrons aux musiciens et aux techniciens.
Nous mettons à disposition des groupes l’ensemble de notre matériel (batterie comprise) afin qu’ils puissent éviter d’avoir l’ensemble de leur matériel à emmener avec eux.Voilà en gros les grandes lignes du principe.
Pour ce qui nous concerne, nous ferons un point à la fin du premier cycle pour éventuellement recadrer certaines choses mais nous comptons bien continuer le plus longtemps possible.
Afin de concilier scène et studio, nous passerons peut-être la périodicité de ces concerts de 4 à 6 semaines mais, avant de voir ce style de chose, nous voulons d’abord arriver au bout pour analyser cette première saison dans son ensemble.
Si par hasard des gens souhaiteraient avoir un peu plus de renseignements, je me ferai un plaisir de les leur fournir s’ils me contactent directement.
Pour les coordonnées, elles sont disponibles sur http://bidachemetal.neuf.fr
Surtout, n’hésitez pas, si notre petite expérience peut servir, nous n’en serons que plus heureux.

Quel effet ça fait d'avoir un tribute à Killers ?

Heureusement qu’on ne m’a pas posé la question avant que cela se fasse car j’aurai eu (connement) un a priori négatif.
Maintenant que cela est, je dois reconnaître que j’aurais eu tort car j’ai eu un plaisir certain à entendre les interprétations dans leur ensemble car chaque groupe l’a fait avec son cœur et son style en prenant bien soin de le faire avec sa propre sensibilité selon ses moyens et sa propre perception du groupe.
Il y aura forcément des préférences qui se feront mais pour ce qui nous concerne, nous tenons à dire que nous avons vraiment apprécié et que nous espérons que cela pourra se reproduire le plus souvent possible.
Merci très sincère et chaleureux à tous les groupes qui nous ont fait ce cadeau précieux.
Sinon, nous avons également appris que des membres de la meute des fidèles de Killers avaient participé au financement de ce tribute, tu te doutes que c’est une situation qui nous fait encore plus apprécier son existence et qui nous va droit au coeur.

Peux-tu nous donner ton avis sur les interprétations des titres ?

Non, désolé … c’est un truc personnel et je ne le ferai pas.
Si un jour tu m’entends donner un avis sur l’interprétation de l’un de nos titres, ce sera sûrement parce qu’elle m’aura foutu en rogne mais j’espère que cela n’arrivera jamais.
Pour le moment, ce n’est pas le cas et c’est plutôt aux groupes participants que j’ai envie de penser en les remerciant pour leur salut.

L'interview touche à sa fin... un mot pour mes lecteurs ?

Pensez à nous soutenir en achetant le nouveau DVD, je pense que si vous ne serez pas déçus.
Soutenez également le tribute à Killers intitulé « Les fils des loups », cette initiative nous a vraiment touché en cette année anniversaire.Vous découvrirez à n’en pas douter des groupes talentueux qui méritent votre soutien.
Sinon, je suis certain que vous êtes tous déjà très actifs chacun à votre niveau mais essayez de voir si d’autres implications sont envisageables ou pas.
Si c’est le cas, n’hésitez pas une seule seconde et foncez car le metal hexagonal mérite que tout le monde se bouge au maximum de ses possibilités.
Si ce n’est pas le cas, mettez un point d’honneur à supporter directement les groupes en concert.
Il faut vraiment que l’hexagone metalleux se mobilise car en ces temps difficiles, c’est absolument vital.
Pas de catastrophisme, il y en a plein le cul d’entendre des gens se lamenter : de l’optimisme, des actes et de la motivation !!!