KILLERS
A L'Ombre Des Vautours
2007

Ce nouvel album de Killers est un scandale. Figurez-vous qu'il n'y a aucun clavier bontempo-hollywoodasse, ce qui est déraisonnable pour un album de heavy-métal depuis le début de ce siècle. Preuve d'un j'menfoutisme achevé, pas non plus d'intervention de chanteuse lyrique venant roucouler un sentimentalisme d'opérette. A croire que ces types n'écoutent que des vinyles.

Horreur encore quand on découvre la confirmation de ce que le titre laissait présager : A l'ombre des vautours est entièrement chanté en français, à l'exception du refrain de No Future, ce qui dit bien, hélas, en quelle piètre estime ces gens tiennent le jugement de leurs pairs. Je vous vois blêmir et, pourtant, il y a pire : cet album n'a même pas été enregistré dans un studio suédois avec un producteur dont le nom se termine en "-son" ou en "-dsen".  De qui se moque-t-on !

Ces messieurs pensent-ils qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, comme ils le veulent, et bombarder leur heavy-speed métal à la croisée de Running Wild et Motörhead sans tenir compte du goût du jour ou du cour de l'euro face au dollar (jusqu'à proposer tous leurs albums sur leur site à un prix révoltant) ? Je suis au regret de devoir l'écrire : oui, ils le pensent, ils en ont même l'air convaincu.

Leurs vingt-cinq ans d'activité et une grosse dizaine d'albums ont dû leur monter à la tête, d'ailleurs ils le répètent à longueur de titre : ceux qui les empêchent de riffer en rond peuvent aller se faire mettre. Leurs aveugles (et sans doute sourds) supporters affirmeront sans doute que c'est cette attitude qui leur a permis de tenir aussi longtemps, et que personne n'est obligé d'aimer. Sans compter qu'au lieu de se calmer avec l'âge, ils semblent encore plus énervés que sur leur précédent album, Habemus Metal, qui cartonnait déjà comme sur un champ de tir.

"Je veux faire du métal", clame le chef de bande Bruno Dolhéguy sur Faire du métal, tel un sale gosse qui n'en ferait qu'à sa tête de lard. Je pose la question : mais de quel droit ? A-t-il une autorisation ? Qui est-il pour, non content d'asséner une heure de ses propres compositions, participer à la propagande de formations dont l'influence désastreuse sur notre jeunesse n'est plus à démontrer, en reprenant deux, j'ose à peine écrire le mot, "chansons" de Manowar (Black Wind, Fire and Steel, tiré de Fighting The World, devient Habemus Metal - le morceau, donc, pas l'album) et Mötörhead (Overkill repeint en  Overkillers), pour violer la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak, un poème de Baudelaire, L'ennemi, et enfin déflorer La Marseillaise ?

"Je suis ce que je suis et je vous emmerde", voilà ce qu'il répondrait sans doute si je lui disait tout cela en face, mais je n'ai pas le temps d'aller jusqu'au pays basque, il y a la Star Academy sur TF1, enfin des jeunes gens sages qui font où on leur dit de faire, dieu merci il en existe encore.

Après une intro, L'Enfer du décors, qui me rappelle étrangement celle de Anomaly, de SUP, la doublette Thierry Andrieu-Bruno Dolhéguy aligne des riffs de guitare courts et percutants qu'on devine dopés à des produits si puissants que même un maillot jaune du Tour de France hésiterait à s'en inoculer. Le batteur Florent Pouey fait subir des sévices dégradants à sa batterie, qu'on entend se manger marron sur marron avec une vélocité qui désigne un sadisme achevé envers nos oreilles. Quant au bassiste Patrick Oliver, qui aurait pu en profiter pour se cacher derrière ses comparses pour obtenir notre clémence, il préfère en rajouter dans la lourdeur et le perçage des conduits auditifs. Ah ! écoutez-les (ou plutôt non, ne les écoutez surtout pas !) sonner charge après charge pour tenter de débaucher (le mot dit tout...) leurs semblables éperdus dans le thrash et le punk. Sans répit, à tel point qu'on a parfois l'impression d'entendre une multitude de variation au sein d'un grand morceau de plus d'une heure.

Et ces paroles à la première personne (mais quelle présomption !), sans rond de jambes, qui ne craignent pas le ridicule, parlent de passion (et même pas du Christ !), de fidélité à ses convictions, voire de sujets de société (alors que, renseignement pris, ce M. Dolhéguy n'est pas diplômé de HEC section nouvelle économie).

Le seul élément à décharge du groupe se trouve finalement sur Habemus Metal, où il passe aux aveux : "Mais le métal nous rend parfois con/Et on se croit beaucoup plus malin/C'est la rançon de l'esprit bête/De croire qu'on est les seuls à ne pas voir le ravin". Eclair de lucidité qui ne suffit cependant pas à gommer ce triste constat : A l'ombre des vautours est un album de pur métal, fait par des métalleux pour des métalleux. Maman ! Pourvu qu'ils ne mettent pas le son trop fort...

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