1) Killers est un vétéran de la scène française. Cette présentation t'énerve-t-elle ou te fait-elle plaisir?

Le terme n'est pas gênant et fait même plutôt plaisir. Tout dépend de la connotation que l'on y associe.
Nous avons réussi à durer en faisant force de tout ce qui semblait être des faiblesses.
On a toujours été maîtres de notre destinée sans jamais être exagérément liés à quiconque.
Dans ce sens, la durée nous a fait vétérans d'une scène qui s'est affaiblie au fil des écueils. La notion de passé s'avérerait gênante et réductrice si c'était le seul objet de ta question. Or, je sais que ce n'est pas ton cas, donc, aucun problème : Bienvenue chez les dinosaures et Mort aux boutonneux!!!

2) Peux-tu présenter et donner un avis rétrospectif sur la carrière (meilleurs moments, ceux les plus pénibles...) et chaque album de Killers?

Les moments les plus pénibles ont sans aucun doute été ceux où nous avons dû remplacer un musicien.
Pas pour le fait de la séparation en elle-même, mais plutôt pour le laps de temps plus ou moins long qui est occasionné par ce changement.
D'un autre côté, la satisfaction d'être toujours arrivé à surmonter ces périodes constitue indubitablement un plaisir intense.
Rétrospectivement, je n'ai aucun regret car on a toujours fait de notre mieux. C'est sûr qu'avec le recul de l'expérience, il y a pas mal de choses qui auraient pu être améliorées, mais c'est la vie qui veut ça.
Ce qui serait grave, ce serait de renier le passé, je ne supporte pas les gens qui rougissent de leurs expériences. C'est une preuve de connerie et de bêtise.
Il faut assumer sa vie sous peine de mourir en n'ayant rien fait.
Tous les albums sont des instantanés assez proches de ce qu'était le groupe au moment où ils sont sortis.
Mon ambition est d'arriver à faire en sorte que la photo soit la plus proche de la réalité.
Ca ne se fait pas tout seul, il faut s'en donner les moyens, tant au niveau des compositions qu'au niveau de l'enregistrement.

3) Peux-tu nous présenter le nouvel album?

Très bonne transition. C'est exactement la démonstration de ce que je viens de dire.
Ca fait 4 ans qu'on a décidé d'investir dans du matériel d'enregistrement, on a ainsi acquis une autonomie totale vis à vis de toutes les structures discographiques: on fait ce qu'on veut, quand on veut et comme on veut.
On compose ainsi en ayant une idée assez proche de ce que cela pourra donner au final.
Pour bien marquer le coup, ce huitième album sera on ne peut plus fourni: 16 titres originaux pour une durée de quasiment une heure et quart. Il se nomme " FORT INTERIEUR" et je l'adore.
Comme d'habitude, les tempos sont variés et je peux t'assurer que nous avons soigné toutes les étapes de sa préparation.
En cette période propice aux déceptions, je sais que nous affirmerons plus que jamais notre maturité avec cet album qui est une bombe.

4) Killers a connu pas mal de changements de line up. Comment l'expliques-tu? Pourquoi le groupe a-t-il
implosé en 1985?

Il y a effectivement deux types de changements. En 85, les autres membres du groupe ont récupéré leur matériel en me laissant un mot (que j'ai toujours, d'ailleurs) où ils me disaient qu'ils arrêtaient le groupe.
Je les ai tout bonnement pris au mot en continuant le groupe de mon côté.
C'est assez significatif de l'hypocrisie ambiante qui était alors de rigueur.
J'ai passé deux semaines en studio à Paris pour assurer seul le mixage de Danger de vie.
A mon retour, j'ai très vite senti que la situation n'était plus saine.
Comme d'habitude, chacun porte une part de responsabilité dans une séparation.
Ca ne pouvait de toutes manières pas continuer ainsi.
Tout le monde a des défauts et ce n'est surtout pas en s'occupant de ceux des autres que les siens disparaîtront
Je me suis pour ma part efforcé de le comprendre et je crois que cela a contribué à nous mener où nous en sommes.
Les autres changements ne sont pas aussi nombreux que cela si tu les rapportes à 12 ans de vie musicale.
La quasi- totalité des changements s'explique par l'abandon par la personne de toute activité musicale.
Cela peut se comprendre car la situation en France est très difficile et il faut vraiment être passionné pour 4 pour continuer à assouvir sa musique.

5) Désormais, chaque album de Killers possède le gros son. Comment expliques-tu les problèmes connus sur vos premiers albums et quels conseils donneriez-vous à un jeune groupe pour éviter certaines erreurs?
Quels sont les pièges en studio?

Le studio a trop souvent bon dos. Il faut d'abord se dire que tout part de la qualité des compositions.
Cela ne vient pas du jour au lendemain, c'est un long et usant apprentissage.
Le piège, quand on n'est pas trop sûrs de soi, est d'en faire trop, de mettre trop de temps à aller à l'essentiel en accumulant les parties superflues.
Il en résulte alors une confusion qui éloigne la musique de l'auditeur.
De plus, il ne faut pas oublier que ceux qui écoutent de la musique ne sont pas forcément musiciens et par conséquent, ne sont pas obligatoirement à l'affût de la performance musicale.
Un jeune groupe doit savoir qu'il va commettre des erreurs et que cela est tout à fait normal. Il faut absolument faire en sorte que ces erreurs ne soient pas irréversibles en mettant en jeu l'existence même du groupe. Pour cela, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, et donc en garder sous le coude.
Financièrement, par exemple, il faut absolument faire gaffe, tu ne fais pas un groupe comme si tu faisais un loto en hypothéquant ton matos. Le moteur principal doit être le plaisir et la passion réciproque.
Cela s'entendra forcément au résultat.

6) La presse n'a pas toujours été tendre avec vous: décrié au début, ignoré au milieu des 80's, devenu
respectable et considéré depuis le milieu des 90's. Comment analyses-tu cela?

Ce sont des situations qui ne dépendent pas que de nous, il m'est donc assez difficile de l'analyser.
Par contre, notre attitude est de tout mettre en oeuvre pour mériter cette reconnaissance par la qualité de notre musique.
On ne tombe pas non plus dans la paranoïa qui tendrait à nous poser en victimes de cette situation.
D'un autre côté, je dois t'avouer qu'il est beaucoup plus satisfaisant pour nous d'être respectés et considérés comme cela semble se préciser. C'est d'autant plus valorisant que cela n'est pas dû à un quelconque contrat publicitaire!

7) Quel type de matériel utilisez-vous?

En guitares, j'ai une Jackson King V américaine et une Gibson Flying V, Ronan a une Ibanez Petrucci et une Lag.
En amplification, nous sommes les deux sur Mesa Boogie. J'utilise un préampli ROCKTRON VOODOO VALVE principalement avec des baffles Electro Voice. Ronan utilise un préampli MESA BOOGIE Triaxis avec une quadraverb GT et des baffles Marshall et Electrovoice.
Alain joue sur amplification Trace Elliot et Patrick joue sur une batterie Tama.

8) Patrice Le Calvez a semble-t-il laissé une empreinte au niveau des mélodies dans Killers. N'as-tu jamais pensé à le rappeler?

Il a plutôt laissé une empreinte pour son timbre de voix particulier sur les deux premiers albums.
Pour les mélodies et les textes, c'est toujours moi qui les ai écrits, je suis donc tout à fait d'accord avec moi-même pour me maintenir dans Killers!
Plus sérieusement, je pense que la voix de Patrice est un peu trop typée. C'est d'autant plus dommage qu'il soit resté dans ce registre particulier, qu'il est tout à fait capable d'aborder des tessitures autres qui lui seraient plus avantageuses. Nous avons commencé en faisant des reprises et sa polyvalence était vraiment étonnante.

9) Quelle est ton opinion sur le regain d'intérêt envers les groupes français des 80's et des rééditions?

C'est plutôt une bonne chose. J'espère surtout que ça dépassera le stade des rééditions.
Ne serait-ce que par respect pour ceux qui turbinent tous les jours, j'espère que la presse ne s'attardera pas sur ceux qui ne feront que ressortir leurs instruments de l'armoire du salon pour un unique concert bidon de reformation.
Il faudra voir au coup par coup.
Je suis personnellement très heureux que ADX revienne au premier plan. Il faut que tout le monde se remue pour que les organisations de concerts se multiplient. C'est vital si l'on veut que ça dépasse le stade du frémissement sporadique...

10) " Contre-Courant" est un album plus brutal dans votre discographie. Comment l'expliques-tu?

La première explication concerne les textes qui sont dans l'ensemble plus virulents.
Musicalement, nous avons voulu être plus directs afin de se rapprocher de l'ambiance de nos concerts.
Ce sera de toute façon une constante à l'avenir. Il ne sert à rien de faire des albums avec 36000 parties qui ne pourront pas être reproduites en concert.

11) Tu as gardé un chant en français avec des textes qui semblent assez spécifiques, puisque parlant de
la vie de tous les jours. Est-ce la marque de fabrique de Killers?

Il est clair que cela fait partie intégrante de notre identité.
C'est un tel bonheur de pouvoir exprimer des sentiments dans un environnement de création musicale que je ne me vois pas abandonner cet exutoire.
De plus, le français ne tolère pas la niaiserie et la futilité, c'est donc toujours une remise en question plutôt revigorante.

12) As-tu un dernier mot ou quelque chose que tu souhaiterais exprimer?

Beaucoup de choses, mais au risque de ne pas être très original, ce seront surtout des remerciements et des encouragements à écouter notre nouvel album.
C'est sans aucun doute le meilleur album de KILLERS à ce jour.
Vous verrez en l'écoutant qu'il ne s'agit pas d'une formule bidon...