Killers - Habemus Metal
Brennus


Attention: chef-d’œuvre! C’est peu dire que Killers vient de frapper un très grand coup avec cet album. En vérité, il s’agit incontestablement d’une maître-pièce du heavy, d’un album incontournable, à ranger avec le meilleur de Trust ou de Vulcain.

Etonnant d’ailleurs de constater que, dans la véritable euphorie métallique qui règne en France depuis peu, avec l’explosion quantitative et qualitative, mais hélas rarement en termes de ventes, de groupes de néo-métal, de heavy, de prog, ce sont toujours les plus ou moins vieux briscards qui mettent tout le monde d’accord. Ainsi avec Blackstone (justement mené par un ex-Vulcain) pour le hard 70’s, avec No Return pour le death, sans parler de Lofofora ou, très récemment, de Burning Heads, côtés fusion et hardcore.

Comment échapper aux superlatifs pour parler de "Habemus Metal"? La passion, l’intégrité, l’expérience, la dévotion à la musique et la rage y sont palpables à chaque instant. L’exécution ne souffre aucune défaillance. Il faut aussi souligner l’intelligence de textes qui, comme chez Trust ou Vulcain (bis), ne sont pas pour rien dans la puissance imparable de cet album.

Avant de s’adonner au petit jeu des rapprochements, un préalable est nécessaire : Killers est Killers et, s’il s’inscrit dans une lignée musicale bien connue, celle du heavy-speed, le groupe a créé sa patte. Un peu comme AC/DC fait du hard-rock mais sans que personne d’autre n’arrive à faire du hard-rock comme AC/DC.

"Nous sommes les seuls à rester debout"

Les adeptes du métal d’outre-Rhin qui méprisent la production hexagonale vont voir s’effondrer d’un coup leurs certitudes. "Habemus Metal" n’est pas très éloigné d’un Running Wild: très rapide, avec une trame mélodique toujours mise en avant. Mais sur ce coup, c’est pour les piliers de la scène teutonne, ô combien respectables, que la comparaison est flatteuse. Tant l’engagement des paroles que la farouche énergie musicale donnent aussi un petit côté punk, à la The Exploited. Enfin, cette façon de riffer sur tout ce qui bouge, ainsi que le son général ont des petits relents trash des familles.

Et puis quel est l’imbécile qui a dit que le rock ne se chantait pas en français ? Les textes sont à la fois très allusifs et elliptiques. On peut les décrypter à trois degrés : émotions personnelles et difficulté des relations humaines, constats sur la cupidité et la violence du monde, témoignages sur le music-business et la vie de groupe. Avec le sentiment récurrent qu’il ne faut jamais renoncer, malgré les déceptions et les faux-pas en avants qui ramènent au gouffre de la barbarie. Killers a des convictions mais se méfie des certitudes.

L’album démarre de manière apocalyptique sur "Le côté sombre" : "Nous sommes les seuls à rester debout/ même si l’on sait qu’on finira tous nos vies couchés." Un clin d’œil sur le fait que Killers est le seul survivant des grands anciens du hard français ? Peut-être mais, comme on le voit, aussitôt contre-balancé par un réalisme sans concession sur soi. Suit un break acoustique tout en sensibilité, puis ce refrain : "Espérer le silence/ comme une prière/ une joie intense/ qui serait moins carnassière."

Dans le contexte actuel, il faudrait aussi citer en intégralité "Bienvenue en enfer" : "Pas assez forts pour faire la paix/ ils ont choisi les militaires/ Dirigeants occidentaux et orientaux ça on sait faire/ Ils sont chrétiens ou musulmans/ Pas une religion n’est propre/ C’est surtout le pouvoir qui compte/ et tout ces putains d’amour propres." Killers va encore plus loin, avec "Madarikatua", un morceau en basque.

Un plaisir intégral

Vous faut-il un dessin ? Si les titres restent assez simples, les fanas de guitares impitoyables, de rythmiques atomiques et de chant direct-dans-ta-face ne peuvent que rester scotchés à l’écoute d’un tel album. Pas une seconde de répit (à part le "heavy metal" scandé sur "HM 2002", dispensable mais sans doute prévu pour les concerts), une unité indéfectible. Et c’est bien là où "Habemus Metal" dépasse le stade d’excellent album pour atteindre à quelques choses qui le fait entrer dans les annales: au-delà de l’analyse, il s’en dégage avant tout un plaisir intégral.

Killers couronne ici 19 années de foi dans la musique, de galères (voire de drames, comme la mort de leur batteur Nico en 2001) et de sincérité si évidente qu’elle rend finalement bien dérisoire toute tentative de "critique" comme celle-ci. Même la production est à la hauteur, tandis que le livret expose sur pas moins de 24 pages paroles, photos, bio, discographie, archives…

Vous pourriez en douter après la lecture de ce qui précède: non, nous ne touchons pas d’argent de Brennus; non je ne suis pas pote des Killers. Non, non, c’est juste que je peux rien écrire d’autre en toute honnêteté: "Habemus Metal" est un album d’exception.

Site officiel : http://www.killers.fr.fm

Fabien M

Lien direct vers la chronique : www.AMBFRANCE.COM ( 2003 )