Killers - A l'ombre des vautours La parution d'un nouvel album de Killers, pour le fan de heavy metal français, c'est un peu comme la sortie du dernier opus de Cabrel pour l'amateur de chanson / variété française, ou bien celle du dernier disque des Rolling Stones pour le rocker de quarante ans qui a grandi avec leur musique. Bref un truc qui ronronne tranquillement, où l'on sait exactement ce que l'on va trouver avant même de l'écouter, mais que l'on achète quand même pour compléter la collection. Il découle de cette situation qu'il existe deux façons pour un chroniqueur d'aborder un tel disque. La première méthode, testée et approuvée par de nombreux journalistes tombés du côté obscur de la presse, "la plus facile, la plus rapide, la plus séduisante", consiste tout simplement à reprendre les articles parus lors des dix derniers disques du groupe, à mélanger, changer les noms, et voilà. Une deuxième solution serait de se farcir l'album à de multiples reprises et de dire ce que l'on en pense ... Pfiou pensez-vous, plus de vingt titres, soixante-dix minutes, et toute une pile de CD à chroniquer qui m'attend ... Le choix est rude. Bon allez je suis fou, je vais en parler sérieusement. Alors que dire d'original sur cet album de Killers, leur quinzième en vingt-quatre ans de carrière ? Tout d'abord tentons une comparaison avec son prédécesseur. "Habemus metal", paru en 2002, n'avait pas fait l'unanimité parmi les afficionados du groupe, Killers mettant de l'eau dans son vin et du thrash dans son speed metal. Les basques font donc quelques pas en arrière, misant avant tout sur leurs premières amours, le speed metal, tout en gardant de gros riffs typiquement thrash. De plus Killers incorpore à ce mélange des éléments issus des diverses tendances du metal actuel. On retrouve donc une dose de death dans le chant, très sombre, un petit côté punk sur le bien nommé "No future" et même un clin d'oeil au metal blues façon AC/DC sur "Seul dans mon coin". Quand en plus le groupe s'attelle à deux reprises, c'est à des cadors du genre qu'il s'attaque : "Overkillers" joue avec "Overkill" de Motörhead, en superposant au titre "l'hymne" basque "Eusko gudariak", alors que "Habemus metal" (et oui le même nom que l'album précédent) retranscrit en français "Black, wind, fire and steel" de Manowar. Résultat pas forcément convaincant pour le titre de Manowar : il faut dire que Manowar joue déjà sur les clichés du metal, alors là forcément on frôle la parodie. C'est là la première faute de goût sur ce disque à mon sens. D'autres inspirations alimentent également ce disque, à l'image de "La ronde des couillons" qui débute sur l'air de "Ah ça ira", du morceau "Nouveau monde" qui incorpore le thème de la symphonie du même nom de Dvorak, ou bien encore de "Comprendre" où s'intercale le texte "L'ennemi" de Baudelaire. Là encore, si Killers joue avec des influences assez ouvertes, l'originalité n'est pas vraiment au rendez-vous, la musique classique étant par exemple depuis longtemps récupérée par le metal. Si musicalement les nouveaux titres de Killers couvrent une large palette de sonorités métalliques, ils sont très cohérents au niveau des textes. Killers a la rage et le gueule, la haine d'une société où le fric tue, où ce sont toujours les mêmes qui s'engraissent pendant que les trois quarts de la planète crèvent la dalle. Pour régler le problème, plus qu'une seule solution en vue : "deux bastos dans le cigare". Les armes sont de sortie sur la pochette, la guerre est déclarée. Les titres sont enchaînés, aucun temps mort ne vient casser le rythme et les innombrables riffs mettront donc vos cervicales à dure épreuve sans discontinuer. En cela "A l'ombre des vautours" se rapprochent plus particulièrement de "Mise aux poings" et de "Habemus metal" pour faire des comparaisons parmi l'abondante discographie du groupe. Une nouvelle fois les instrumentistes du groupe nous prouvent leur savoir faire, alors qu'au chant Bruno déclame son ras le bol sur tous les tons et montre qu'après toutes ces années l'inspiration est toujours présente. Mais malgré une production en béton armé et une écriture plutôt politique, Killers ne tient pas tout à fait la distance. L'album est tout bonnement trop long, et les derniers morceaux lassent quelque peu. Dommage car ils contiennent de vrais perles à l'image de "Www.misère" ou "Tais toi", mais ils patissent de leur position en fin de disque. "A l'ombre des vautours" se veut un véritable rouleau compresseur speed / thrash et atteint parfaitement son but : au bout d'une heure toute résistance est anéantie. Situation paradoxale, où pour une fois un groupe nous en donne presque trop. Killers nous offre ici un album dense, difficile à aborder d'une seule traite, mais qui au fil des écoutes révèle ses incontestables qualités. Avis aux amateurs de speed, vous allez être servis, malgré quelques titres que l'on préférera laisser de côté au bout d'un moment. |